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Le débat sur l'impact négatif des bandes dessinées sur les jeunes a été lancé par le psychiatre américain Dr Fredric Wertham. Il était convaincu que les magazines de bandes dessinées, plus que tout autre chose, incitaient les jeunes à commettre des actes de violence. Vers la fin des années 1940, Wertham entreprit une tournée de conférences aux États-Unis où il débattit des effets néfastes que, selon lui, les bandes dessinées avaient sur les jeunes. Wertham rassembla ses arguments dans le livre « La séduction de l'innocent », qui devint le point culminant de ses accusations contre l'industrie de la bande dessinée de l'époque.

Aujourd'hui, beaucoup pensent probablement que ses opinions étaient à la fois étranges et exagérées, mais les arguments de Wertham eurent un impact considérable. Dans l'Amérique d'après-guerre, nombreux étaient ceux qui recherchaient la sécurité et un niveau de vie plus élevé. Ceux qui en avaient les moyens quittèrent les villes pour des banlieues plus propres et plus sûres. Là, enfants et adolescents étaient censés grandir dans des foyers confortables, protégés des dangers du monde extérieur. La bande dessinée était perçue comme une attaque contre tout cela. Après le déclin brutal de la popularité des comics de super-héros à la fin de la guerre, les magazines d'horreur ont connu un franc succès. Cela a contribué à la méfiance et au scepticisme envers les comics en général, et Wertham et « La Séduction de l'Innocent » peuvent en être considérés comme une conséquence.

Les titres de romans policiers et d'horreur de l'éditeur EC Comics ont été attaqués par Wertham, qui a utilisé les comics et titres morbides de l'éditeur comme des exemples de décadence morale. Wertham les a qualifiés de « blessure à l'œil », directement préjudiciables à la santé mentale des enfants. Wertham a également dénoncé ce qu'il considérait comme des allusions sexuelles cachées, la nudité féminine et l'homosexualité cachée.

Par exemple, il estime que les personnages de comics Batman et Robin entretiennent une relation immorale. Wertham fonde ses opinions sur le fait que dans certains numéros du magazine Batman, on voit clairement qu'ils partagent une chambre, bien que dans des lits séparés. L'interprétation que Wertham fait des images et des symboles dans des bandes dessinées simples et banales peut aujourd'hui être considérée comme un reflet de la vision de l'époque sur l'homosexualité, qui était pourtant encore criminelle.

Mais les bandes dessinées patriotiques comme Superman et Wonder Woman n'échappent évidemment pas non plus à Wertham. Superman est accusé de fascisme et Wonder Woman est perçue comme lesbienne. Il est difficile de trouver une critique contemporaine de Wertham aux États-Unis, sauf chez les grands éditeurs de bandes dessinées. Ceux-ci tentent désespérément de racheter l'éditeur qui publie le livre de Wertham, mais en vain. Alors que le livre de Wertham et les critiques croissantes à l'égard des bandes dessinées paraissent, le Sénat américain décide d'agir et Wertham s'assure d'être cité comme témoin expert devant la sous-commission sénatoriale sur la délinquance juvénile.

Bien que le rapport final de la commission n'accuse pas les bandes dessinées d'accroître la criminalité, il recommande aux créateurs de bandes dessinées d'en atténuer volontairement le contenu.

Les éditeurs et les maisons d'édition perçoivent cela comme une menace voilée de censure et choisissent donc d'introduire leurs propres recommandations. La Comics Code Authority limite les représentations de crimes, de violence, d'horreur, de terreur et de sexualité. De nouvelles règles sont mises en place et les images et concepts violents tels que « terreur » et « zombies » sont interdits.

L'éditeur le plus touché est EC Comics, contraint de fermer la quasi-totalité de ses publications en quelques années. L'un des rares titres à survivre, quoique sous une forme différente, est le magazine de bandes dessinées MAD. Conséquence : le paysage de la bande dessinée aux États-Unis a radicalement changé. Il ne reste qu'une publication plutôt édulcorée de bandes dessinées de super-héros et d'histoires d'amour romantiques.

En 2011, la Comics Code Authority est dissoute suite au retrait du dernier des grands éditeurs, Archie Comics. Aujourd'hui, les collectionneurs de bandes dessinées considèrent tous les magazines associés à ce débat comme des pièces de collection recherchées. L'ouvrage de Wertham, « La Séduction de l'Innocent », est également une rareté aujourd'hui et l'une des rares œuvres non illustrées actuellement incluses dans le guide américain des prix des bandes dessinées « Overstreet Comic Book Price Guide ». Ironie du sort.

Au Musée du Jouet de Stockholm, trois numéros rares de magazines alors considérés comme inappropriés sont exposés, dont l'un d'entre eux, « Crime Suspense Stories », d'EC Comics, a servi de preuve lors des audiences du Sénat.